C’est un potentiel de libération immense qui provoque la crise
Catégorie : Global
Thèmes : Exclusion/précarité/chômage
La crise, un prétexte pour nous imposer des sacrifices ?
Beaucoup de travailleurs ne comprennent pas la crise. Ils nous disent : « C’est la crise pour nous, pas pour eux ». Ils la voient comme un PRÉTEXTE pour nous imposer des sacrifices. Le constat est en partie juste : les plus riches s’enrichissent, nos conditions de vie d’exploités se dégradent. Ce n’est pas le fait d’une absence de crise, mais l’une de ses conséquences.
En France la part des salaires dans la valeur ajoutée des sociétés non financières est passée de 75 % au début des années 1980, à 65 % actuellement. Par ailleurs, avec la crise, la part de la richesse créée par notre exploitation qui a été versée aux actionnaires a augmenté de 30 %.
La crise favorise la croissance des hauts revenus du travail et du capital et la baisse des revenus directs ou indirects des exploités, en particulier parce qu’avec le chômage, les luttes sont plus difficiles, et le chantage emploi contre salaire plus dur à contrer.
La crise ? Mais il n’y a jamais eu autant de milliards !
La crise, ce n’est pas la conséquence de la baisse du PROFIT, mais de son TAUX. Le capitalisme développe sans cesse la productivité du travail en remplaçant des travailleurs par des machines ; cela, c’est notre expérience quotidienne. Mais c’est des ouvriers qu’il tire la plus-value, le profit qui lui permet d’accroître le capital.
Avec la hausse de la productivité du travail, le nombre de travailleurs diminue, de même que la valeur des biens produits. En France, entre 1950 et 2007, la productivité du travail a été augmentée de telle façon que pour produire la même quantité de biens ou de services, le nombre de travailleurs nécessaire a été divisé par 13 dans l’agriculture, par plus de 7 dans l’industrie.
Toutefois, pour augmenter la productivité du travail, il a fallu investir de plus en plus dans des machines, et donc mobiliser plus de capital fixe. Alors, même si la masse de profit est maintenue ou augmentée par l’exploitation accrue des travailleurs restant, cela ne suffit pas pour rentabiliser à un niveau satisfaisant la masse croissante des capitaux engagés. Donc, le taux de profit baisse dans la production de biens et de services. Alors, les capitaux qui ne peuvent plus être investis rentablement dans la production de plus-value s’orientent vers les marchés financiers spéculatifs qui sont immédiatement profitables.
« C’est la finance… il faut interdire la spéculation »
Le chômage, les restructurations, les délocalisations, les attaques contre les salaires, l’éducation, ne sont pas la cause de la crise, mais ses conséquences. Ce ne sont que des moyens pour rétablir un taux de profit suffisant, en augmentant notre exploitation (baisse des salaires, des prestations sociales, de l’éducation, délocalisations) ou en détruisant du capital (fermeture d’usines, restructurations…), ou en investissant dans la spéculation financière.
Les RÉFORMISTES du Front de Gauche nous trompent en opposant le bon capitalisme industriel au mauvais capitalisme financier. Ou en proposant d’augmenter les salaires pour relancer l’économie et l’emploi. Si on se trompe sur la maladie, on se trompe sur le remède. Il n’y a pas crise parce que les capitalistes spéculent plutôt que de produire des biens et des services. Il y a spéculation parce que les « bons capitalistes » ne peuvent plus produire des biens et des services à des conditions de taux de profit satisfaisantes en nous exploitant.
En nous trompant sur la cause de la crise, les réformistes évitent d’attaquer le mal à sa racine. C’est-à-dire attaquer les rapports de production capitalistes, là où ils s’expriment directement : dans l’exploitation. Leurs solutions non seulement ne nous guériront pas du capitalisme, mais nous détournent de la lutte contre lui.
Le capitalisme crée les conditions de sa liquidation
Le capitalisme développe la capacité à produire des valeurs d’usage avec de moins en moins de travail. C’EST UN POTENTIEL DE LIBÉRATION IMMENSE QUI PROVOQUE LA CRISE. En réduisant le travail nécessaire, il ne peut plus se valoriser dans des conditions satisfaisantes. Le capitalisme a développé une meilleure maîtrise des conditions de la production et donc du rapport de la société à la nature (savoir-faire, sciences…). Il offre la potentialité pour l’Humanité de vivre en travaillant moins… à condition de ne plus produire pour augmenter un capital, mais pour satisfaire les besoins sociaux.
Il faut donc se débarrasser du capitalisme. Car si le capitalisme a préparé les conditions matérielles de sa liquidation, il ne s’écroulera pas tout seul. Il faut réunir des conditions idéologiques, politiques et organisationnelles pour le mettre à bas un jour, en commençant par la destruction de l’Etat bourgeois. Destruction suivie d’une longue transition de lutte préparant le communisme : le socialisme.
« Travailler tous, moins, autrement », c’est possible, par la révolution
Sous le capitalisme, la hausse de la productivité du travail se convertit en exploitation accrue pour les uns, en chômage pour les autres. Le capitalisme démontre ainsi qu’il est possible de produire autant de valeurs d’usage, pour un volume global de temps de travail identique, en répartissant le travail entre tous, pour que tous travaillent moins.
Mais, il ne s’agit pas seulement de répartir le travail entre actifs et chômeurs, comme le propose LO. Il s’agit de TRANSFORMER LE TRAVAIL LUI-MÊME, les rapports sociaux dans la production et dans la société. D’abord en adoptant des organisations du travail moins dures (suppression du travail à la chaîne, du travail de nuit), mais préservant l’intégrité physique et morale des travailleurs (en apparence moins efficaces, mais permettant de dépenser moins pour nous réparer).
Les transformations dans la production impliquent surtout la lutte contre la division sociale du travail. Elles commenceront par l’obligation de la rotation des tâches entre travailleurs de qualifications différentes : les cadres seront ainsi astreints à des tâches manuelles.
La lutte contre la division sociale du travail a pour but la maîtrise par les travailleurs des conditions et des choix de production. Elle réduira la bureaucratie en supprimant les fonctions de contrôle indispensable à un système d’exploitation. Aujourd’hui les capitalistes font appel à l’initiative des travailleurs pour améliorer l’efficacité de leur travail, mais c’est pour mieux nous exploiter. Si nous sommes les bénéficiaires de nos innovations, nous serons bien plus créatifs.
Des « gâchis » de temps de travail sont le fait d’activités productrices de plus-values, ou de revenus capitalistes, mais parasitaires ou nuisibles du point de vue social, qui disparaîtront avec le capitalisme : activités bancaires et financières, banches industrielles qui traitent des pollutions ou des dégâts entraînés par d’autres (plutôt que sur leur traitement à la source), fonctions administratives liées au remboursement de prestations sociales. Dans la société future, par exemple, l’accès aux soins sera gratuit plutôt que remboursé.
Les gâchis tiennent encore à l’hypertrophie de l’Etat bourgeois, dont la destruction permettra de supprimer les activités bureaucratiques ou répressives. Dans un pouvoir ouvrier, certaines fonctions seront assurées par des travailleurs mandatés ou élus… sur le temps de travail libéré par la réduction du travail contraint.
Il n’est pas utopique de réduire à 20 heures par semaine le travail nécessaire. C’est un ordre de grandeur tout à fait réaliste. Soit 4 heures de travail par jour sur cinq jours.
Produire autrement et consommer autrement.
Le capital, pour lutter contre la baisse du taux de profit, augmente sa vitesse de rotation : vite se rentabiliser dans la vente d’un produit, se réinvestir vite dans un nouveau produit. L’exemple le plus achevé est la production de produits informatiques (téléphones ou autres) qui deviennent « anciens » au bout d’un an.
La valorisation du capital implique donc des modèles de CONSOMMATION qui constituent un gaspillage du point de vue de « la valeur » de l’usage réellement rendue. Ce mode de valorisation suppose des coûts de production bas, avec comme conséquence les délocalisations de ces productions.
Le mode de consommation imposé par le capital est donc un gâchis de force de travail humaine et des ressources non renouvelables de la nature.
Travailler moins pour vivre mieux
La rupture avec la logique capitaliste rend possible une augmentation du temps libéré pour des activités émancipatrices. LA VRAIE RICHESSE, la vraie abondance, telle que Marx la définit, est le temps libéré de la nécessité de produire et de reproduire ses conditions de subsistance.
Le temps rendu libre ainsi ne saurait être une extension des loisirs, tels que organisés par le capitalisme. Au travail aliénant, correspondent des loisirs aliénés. La lutte émancipatrice pour transformer les rapports sociaux dans le travail ira de pair avec une transformation de l’usage du temps libre : activités collectives (exercice du pouvoir, prise en charge de responsabilités collectives, etc), ou individuelles / collectives (arts, culture, sport, formations diverses).
Travailler moins POUR EXERCER NOTRE POUVOIR DE CLASSE
La vraie liberté est donc maîtrise collective et individuelle par les hommes et les femmes de leurs conditions de vie sociale, maîtrise permettant l’épanouissement de toutes leurs potentialités.
Ce passage du règne de la nécessité à celui de la liberté suppose une révolution sociale et idéologique. La réalisation humaine ne sera plus associée à la consommation ou à l’accumulation de biens. Le socialisme a pour but, comme l’écrivent Marx et Engels dans le Manifeste, de remplacer « l’ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses antagonismes [par] une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ».
Il faut pour cela que la classe ouvrière se constitue en classe dirigeante, d’abord en s’organisant en parti, puis en s’imposant comme pouvoir de classe pendant la période de transition. Cette dictature du prolétariat s’exercera par un pouvoir d’Etat de type différent.
Gilles Fabre
Partisan n° 255, mensuel de l’OCML VP
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