La réalité: une justice sommaire “pour” tous
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Le Syndicat de la Juridiction Administrative, SJA, présidé par Monsieur Bernard EVEN, magistrat rapporteur de la 4ème Chambre de la Cour Administrative d’Appel de Paris, a réagi le 13 février 2005, voir:
(texte complet dans l’
) aux informations et déclarations ayant circulé dans l’affaire récente du “pré-jugement” de plusieurs affaires de sans papiers au Tribunal Administratif de Paris. Sur le site du SJA, on trouve la déclaration récente du Bâtonnier de Paris, Jean-Marie BURGUBURU, (
) et un résumé laconique des informations diffusées par les médias (
), dont nous rappelons plus bas quelques extraits (
). Une nouvelle donnée est apparue aujourd’hui, avec la prise de position de la Ligue des Droits de l’Homme, voir :
Sans doute, le justiciable de base se sentirait plus à l’aise pour évaluer cet incident si la prise de position du Barreau de Paris n’était pas le fait d’un bâtonnier (censé également avoir désigné les trois avocats commis d’office dans cette affaire) proche de la famille MITTERRAND et ayant publiquement pris la défense de Jean-Christophe MITTERRAND, alors que ce dernier a en ce moment une importante affaire à juger auprès du Tribunal Administratif de Paris d’après le
du 8 décembre 2004 :
En même temps, il semble bien que les plus hautes autorités du Tribunal Administratif de Paris aient reconnu les faits dénoncés par les avocats. A savoir, que dans des procédures de trois jours, déjà en soi très sommaires et sans clôture de l’instruction avant l’audience, des projets de jugement avaient pourtant été rédigés avant l’audience et versés aux dossiers présentés aux avocats. C’est, en effet, de la justice sommaire.
On peut se demander, en étant naïfs, quelle est l’utilité de ces projets de jugement rédigés très rapidement, si de toute façon des moyens nouveaux et des pièces peuvent être produits au cours de l’audience contrairement aux procédures « normales » où l’instruction est close trois jours francs avant l’audience. La réponse du SJA :
paraît pour le moins simplifiée, car ce dont on discute à présent n’est pas des règles générales de la procédure mais de son déroulement concret.
. Il serait en effet plus équitable qu’aucun projet de jugement ne soit rédigé avant la clôture de l’instruction, et on doit se féliciter de voir ces avocats soulever une telle question.
. Il serait certainement équitable qu’aucun projet de décision ne soit JAMAIS élaboré avant la clôture de l’instruction, voire même avant le délibéré d’environ trois semaines qui, dans les procédures « normales », est censé suivre l’exposé des conclusions du commissaire du gouvernement. Des conclusions auxquelles les parties ont le droit de répondre. Mais la pratique est toute autre et, même au Conseil d’Etat où la clôture de l’instruction n’intervient qu’au moment de l’audience, des rapporteurs rédigent des projets de jugement que de temps à autre les justiciables découvrent en accédant aux dossiers mais qui, souvent, existent à leur insu. Pourquoi les avocats n’en parlent-ils jamais ?
Une autre pratique contestable, avec tout le respect dû à la juridiction, est celle qui consiste à
.
Exemple récent : un justiciable en litige avec une administration voit augmenter le nombre de ses dossiers contentieux pour un même litige (la règle « une requête par décision » qui prévaut dans cette juridiction d’exception qu’est la juridiction administrative). Même si ses revenus dépassent le plafond légal, il saisit le Bureau d’Aide Juridictionnelle demandant qu’il soit dérogé au plafond de revenus (ce que le BAJ peut faire) car, de toute façon, il ne lui est pas possible de payer un avocat au taux de 3000 ou 4000 euros par dossier. Une demande qui, très clairement, « dérange » car elle met en évidence l’une des barrières que dans la pratique le système dresse devant les justiciables mais dont personne ne parle. La première délibération du BAJ a lieu sans communiquer au préalable à l’intéressé le numéro de dossier de sa demande d’AJ et, de surcroît, on lui répond que comme de toute façon il possède des biens immobiliers, on ne peut pas prendre en considération sa demande de dérogation.
. Et la question soulevée par Me Irène TERREL dans le cas des « sans papiers », à savoir, si nous sommes toujours dans un état de droit, vient tout naturellement à l’esprit du justiciable « avec papiers ». L’intéressé engage alors un double recours : d’une part il demande une nouvelle délibération du BAJ, et de l’autre il saisit le Président du Tribunal de Grande Instance (dont dépend le BAJ), avec copie à la juridiction administrative concernée. Il demande l’annulation de la première délibération et que la nouvelle délibération sollicitée soit considérée comme une première délibération. Il obtient en partie gain de cause car, même si la première décision est confirmée par une nouvelle délibération,
concernées par cette demande d’aide juridictionnelle en cours et que le BAJ n’a pas déclarée irrecevable sur quelque point que ce soit. Le justiciable saisit aussitôt la Chambre croyant qu’il y a méprise, mais on lui fait savoir que « le président » maintient le rôle. Après tout, si le justiciable n’est pas content, il pourra toujours se pourvoir en cassation…
Au Conseil d’Etat même, où la Section du Contentieux se nourrit souvent de personnalités provenant de cabinets ministériels, il y a des récusations de magistrats. Ce fut le cas, il y a un peu moins d’un an, d’un magistrat provenant d’un cabinet de premier ministre et qui exerçait les fonctions de commissaire du gouvernement. La récusation fut traitée très rapidement sans exiger du justiciable un ministère d’avocat. Et,
du nouveau rôle. De surcroît, une demande d’aide juridictionnelle pour cette récusation avait été ignorée et jamais traitée. Devant ce qui lui apparut comme un comportement manifestement et systématiquement partial,
et assortit cette récusation d’une demande d’aide juridictionnelle auprès du BAJ du Conseil d’Etat.
, demande qui était inopérante vu l’existence d’une procédure de demande d’aide juridictionnelle. Cette demande d’AJ fut rejetée alors que les honoraires prévisibles étaient, vu le nombre des dossiers, de l’ordre de huit mois de salaire de l’intéressé. Lequel demanda une deuxième délibération du BAJ, comme prévu par la loi. Mais
. L’intéressé a saisi de l’affaire la Présidence du Contentieux et introduit un recours en rectification d’erreur matérielle, mais aucune réponse ne lui a été donnée et son recours en rectification d’erreur matérielle n’a même pas été enregistré. En même temps, la sous-section récusée a très rapidement repris les dossiers litigieux et les a tout de suite « passés » à un rôle avec le même commissaire du gouvernement, lequel a conclu à un rejet global. Non seulement il y a
(l’une n’exigeant pas le ministère d’avocat pour une récusation, et l’autre faisant le contraire), mais
, neuf jours après la notification du rejet de la demande d’AJ en deuxième délibération, car la demande de nouvelle délibération était de droit suspensive de la procédure. Le justiciable a ainsi été pris au dépourvu et privé d’un examen au fond de sa récusation de la sous-section qui juge ses contentieux.
Ce fonctionnement de la juridiction administrative ne concerne pas les procédures de reconduite à la frontière de « sans papiers », mais des affaires dites « normales » qui ne comportent aucune urgence. Pourtant…
A ce stade, il faudrait sans doute commencer par examiner de près le Code de Justice Administrative en ce qui concerne le recrutement des magistrats de cette juridiction. On peut lire notamment dans ce Code :
{ Pour sept conseillers promus au grade de premier conseiller, une nomination est prononcée, à condition qu’ils justifient d’au moins huit ans de services effectifs dans un ou plusieurs des corps ci-après, au bénéfice :
1º De fonctionnaires de l’un des corps recrutés par la voie de l’Ecole nationale d’administration ;
2º De fonctionnaires appartenant à un autre corps de catégorie A, titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au concours externe d’entrée à l’Ecole nationale d’administration ainsi que d’un grade terminant au moins à l’indice brut 966 ;
3º De magistrats de l’ordre judiciaire ;
4º De professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités ;
5º D’administrateurs territoriaux.
Pour bénéficier de cette nomination, les membres des corps soumis à l’obligation statutaire de mobilité doivent avoir satisfait à cette obligation.}
{Les magistrats de l’ordre judiciaire, les professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités et les fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l’Ecole nationale d’administration peuvent être détachés, aux grades de conseiller ou de premier conseiller, dans le corps des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel. Ils ne peuvent être intégrés qu’au terme de trois années de services effectifs en détachement dans ce corps et s’ils satisfont aux conditions prévues aux articles L. 233-3 et L. 233-4 pour l’accès au grade dont il s’agit.
Il ne peut être mis fin à des détachements dans le corps que sur demande des intéressés ou pour motifs disciplinaires.
Ces dispositions sont également applicables aux fonctionnaires appartenant à des corps de la fonction publique territoriale de même niveau de recrutement dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.}
(fin de citation)
Ajoutons qu’un magistrat peut exercer sa fonction simultanément avec celle de professeur associé des universités, ce qui génère tout naturellement une osmose entre la magistrature et la corporation universitaire et scientifique. Mais c’est surtout le rôle de l’ENA, et de celle-ci par rapport au monde politique et à la haute administration, qui semble bien être déterminant.
Justiciable
justiciable_fr@yahoo.fr
{{Communiqué du Conseil du Syndicat de la Juridiction Administrative du 13 février 2005
lundi 14 février 2005}}
Le Syndicat de la Juridiction Administrative (SJA), principale organisation représentative des magistrats administratifs, ne peut sans réagir laisser se développer les affirmations, exprimées dans certains commentaires afférents à l’incident survenu à l’occasion d’une audience de reconduite à la frontière au Tribunal administratif de Paris le 8 février 2005, selon lesquelles les tribunaux administratifs n’auraient qu’une « activité destinée à accompagner la politique gouvernementale en matière de droit des étrangers » et que les affaires seraient jugées par avance.
Le SJA rappelle solennellement que l’indépendance de la justice administrative constitue un principe de valeur constitutionnelle, et que la loi a également expressément consacré cette indépendance des magistrats administratifs, laquelle ne peut être mise en doute.
Les magistrats administratifs apprécient la légalité des décisions prises par l’administration en toute indépendance, en respectant les droits et libertés fondamentales des personnes consacrés par les principes du droit français et européen. Il en est bien évidemment de même pour l’examen des décisions relatives au séjour des étrangers sur le territoire français et à l’éloignement.
En matière de reconduites à la frontière, le caractère équitable de cette procédure d’urgence résulte notamment de la possibilité d’assistance de l’intéressé par un avocat et un interprète, du caractère contradictoire de cette procédure, de l’audience publique, de la faculté pour l’étranger d’y présenter des arguments nouveaux, et de ce que la décision est rendue par un magistrat indépendant.
La méthode de travail traditionnelle du juge administratif consiste en premier lieu à examiner avant l’audience les pièces du dossier constitué par les productions des parties et, dans ce cadre, à procéder à des recherches portant sur les textes applicables et la jurisprudence. Ce travail préalable lui permet de mieux conduire l’audience publique, au cours de laquelle l’intéressé ou son avocat peut présenter des arguments nouveaux et de nouvelles pièces. A l’issue de l’audience, le magistrat examine à nouveau le dossier complet intégrant les nouveaux éléments qui ont pu être produits à l’audience, et en tenant compte des plaidoiries et des réponses aux questions qu’il a pu poser. Ceci constitue le délibéré au cours duquel le magistrat forge sa conviction et prend sa décision.
Le jugement motivé est alors rédigé par le magistrat. Il n’acquiert cette valeur de jugement qu’après sa lecture en audience publique, laquelle n’intervient qu’une fois réunies les signatures du magistrat et du greffier d’audience. Tout autre élément élaboré avant l’audience ne constitue qu’un document juridictionnel préparatoire à la réflexion du magistrat.
Le SJA est surpris que l’on puisse s’étonner de ce que les magistrats des juridictions administratives étudient leurs dossiers avant de tenir une audience, alors que cela contribue de manière essentielle à la qualité de la justice rendue. Le SJA s’élève par ailleurs très solennellement contre les assertions selon lesquelles une décision de la justice administrative pourrait être prise avant que l’audience ait eu lieu.
Contacts presse :
– Bernard EVEN, Président du SJA, E-mail : bernard.even@juradm.fr, télécopie : 01 58 28 90 22 ; téléphone : 01 58 28 90 99.
– Robert LE GOFF, Secrétaire général du SJA, E-mail : robert.le-goff@juradm.fr, téléphone : 03 27 08 10 12.
Syndicat de la Juridiction Administrative (SJA) Siège social : Cour administrative d’appel de Paris, Hôtel de Beauvais, 68, rue François MIRON, 75004 Paris.
{{Communiqué de l’Ordre des avocats de Paris sur le préjugement des sans papiers
lundi 14 février 2005}}
Le Bâtonnier de Paris a été informé d’un grave incident mettant en cause les droits de la défense, survenu le 8 février 2005 devant le Tribunal Administratif de Paris statuant en matière de recours sur les reconduites à la frontière.
Il a été en effet constaté pas les avocats présents, au moment où ils consultaient, au greffe du Tribunal et avant l’audience de plaidoirie, les dossiers mis à leur disposition, que figurait dans ces dossiers le manuscrit de plusieurs jugements devant être rendus à l’issue de cette audience, jugement dont l’un portait même la signature du Président d’audience.
Le Bâtonnier Jean-Marie Burguburu, au nom de son Barreau, entend élever une protestation contre ce qui apparaît être une violation caractérisée des droits de la défense, du principe du contradictoire et de la loyauté du débat juridictionnel.
Il rappelle que, particulièrement dans cette matière, le débat à l’audience et la plaidoirie sont essentiels et que le magistrat ne peut présider cette audience avec un pré-requis ou un pré-jugement naturellement contraires aux exigences du procès équitable, mettant en cause son impartialité.
La Bâtonnier de Paris demande au Président du Tribunal Administratif de Paris de condamner publiquement les errements constatés et dénoncés et appelle à une concertation avec le Barreau pour y mettre fin et respecter, au contraire, une pratique conforme aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.
Jean-Marie Burguburu Bâtonnier de l’Ordre.
lundi 14 février 2005
Dans une dépêche du 8 février 2005, l’Agence France-Presse a fait état de la protestation élevée par des avocats lors d’une audience du tribunal administratif de Paris du même jour, ceux-ci s’élevant contre des « jugements rédigés par avance » trouvés dans les dossiers de leurs clients. Me Irène Terrel, qui défendait un étranger en rétention administrative, a, selon la dépêche, déclaré en audience : « Nous avons découvert avec stupeur que les décisions qui concernaient nos clients étaient notifiées et motivées avant même que nous puissions nous exprimer ». La dépêche précise que les avocats ont saisi l’Ordre des avocats et ont l’intention de s’adresser à la Cour européenne de justice.
Mercredi 09 février 2005
Trois avocats de sans-papiers ont quitté hier le tribunal administratif de Paris, après avoir découvert, avant l’audience, que la décision à l’encontre de leurs clients était
.
(…)
Le président du tribunal (…) a estimé de son côté que
.
(…)
, assure Anne-Marie Camguilhem, vice-présidente de la juridiction. La procédure serait ainsi
pour les reconduites à la frontière, selon elle.
Guillaume Frouin
La question du jour
Irène Terrel, avocate, plaidant le dossier d’un opposant guinéen réfugié en France.
Propos recueillis par Mina Kaci
Le Parisien du 9 février :
Voir :
(fin des annexes)
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