Une philosophie de la mort
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Ha’aretz, 23 avril 2006
Une philosophie de la mort
par Nazir Majali
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Il n’y a pas de mots pour condamner l’attentat méprisable à Tel-Aviv. Non seulement parce qu’il est contraire aux intérêts du peuple palestinien, non seulement parce qu’il sert les intérêts des va-t-en-guerre qui pullulent dans notre région, mais, bien plus important, parce que la philosophie qui le sous-tend est une philosophie qui est en train de détruire le peuple palestinien. Philosophie morbide, qui préfère la mort à la vie. Philosophie mensongère, soi-disant inspirée par Dieu et par l’islam. Philosophie raciste, fondée sur le principe du meurtre de juifs parce qu’ils sont juifs, principe partagé dans l’Histoire par certains mouvements auxquels il est peu agréable d’être assimilé. Philosophie de criminels de guerre, dont le but est d’assassiner des passants innocents dans les rues, des gens venus échanger au restaurant un argent durement gagné contre de la nourriture, des femmes étrangères qui ont fait des milliers de kilomètres pour apporter un peu de soutien à leurs familles, des personnes âgées qui ont décidé de sortir de chez eux ce jour-là pour faire une promenade. Des gens que les assassins ne connaissaient absolument pas, mais à la vie desquels ils se sont autorisés à mettre fin. Des gens qui n’avaient rien fait de mal. Philosophie de la lâcheté, aussi. Si quelqu’un veut combattre l’occupation, qu’il s’attaque à l’armée d’occupation, pas à des innocents dans la rue !
Du point de vue de la société palestinienne, c’est une philosophie de l’autodestruction. Ceux qui ont envoyé ce jeune homme se faire exploser à Tel-Aviv ont frappé leur propre peuple, de plusieurs manières. Ils tuent ce jeune Palestinien et apportent le deuil à une famille dont le monde est désormais dévasté. Et ce qui se dit des mères palestiniennes (qui soi-disant glorifieraient le suicide de leurs enfants) est faux. Aucune mère ne souhaite voir mourir son fils. Ils suscitent une réaction israélienne qui frappe la famille, le village, les villages voisins, et peut-être le peuple palestinien tout entier. Ils nourrissent chez les jeunes Palestiniens la culture de la mort et non celle de la vie. Le résultat de cette éducation, ce sera moins d’espoir, moins d’investissement dans les études et dans les activités culturelles et scientifiques, moins d’amour et davantage de haine. En conséquence, tout Palestinien patriote doit condamner cet attentat et le considérer comme du terrorisme anti-palestinien.
Il est clair que cela n’exonère pas le gouvernement israélien et son armée de sa part de responsabilité dans ce massacre. Leur comportement a grandement contribué à augmenter le niveau du désespoir et de l’aveuglement qui créent cette armée toujours grandissante de kamikazes. Le terrorisme a toujours ses raisons. Il est le résultat de l’oppression qui dure depuis des dizaines d’années. Les Palestiniens sont désespérés. Ils sont sans cesse victimes de punitions collectives et d’humiliations qui ne connaissent aucune limite. Du côté palestinien, il y a aussi des innocents qui meurent : enfants, bébés, femmes, vieillards, des gens ordinaires qui se font tuer sans avoir rien fait de mal. Pour chaque Israélien innocent tué, environ quatre Palestiniens sont tués. Mais l’argument du désespoir causé par les actions israéliennes ne justifie pas le terrorisme. On ne peut pas justifier le terrorisme. Cela dit, l’impact de ces actions et leur contribution au terrorisme ne peuvent être ignorées. Israël doit, lui aussi, se débarrasser de cette philosophie de la mort, qui ne s’exprime pas par des attentats terroristes, mais par le bombardement de la bande de Gaza, les fouilles de maisons, les assassinats ciblés (qui ne sont jamais que des exécutions sans jugement), les arrestations de masse (1.200 détentions administratives non motivées), les barrages routiers, les bouclages, les humiliations, etc.
En tant que personne qui croit que les citoyens de son pays, les Israéliens, et les Palestiniens, son peuple, vivront dans la paix, la sécurité et la prospérité, j’implore que soit changée du tout au tout cette politique agressive qui n’apporte que la destruction totale aux deux côtés.
Citoyen arabe israélien, Nazir Majali est spécialiste des affaires israéliennes pour plusieurs chaînes de télévision arabes et pour le quotidien londonien en langue arabe Asharq Al Awsat.
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